Le développement rapide des crypto-actifs et des technologies blockchain invite les juristes à interroger et à renouveler les cadres juridiques traditionnels. C’est dans cette dynamique de réflexion que s’inscrit le colloque intitulé « La Monnaie Tokenisée », organisé par l’Association des Juristes de Blockchain et Crypto-actifs (LBCA). Cet événement académique, pensé à destination des professionnels du droit, se propose d’explorer les implications juridiques des nouvelles formes de monnaie et d’actifs numériques.
Quatre tables rondes thématiques structureront la matinée :
- La première portera sur les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) ;
- La seconde portera sur les stablecoins ;
- La troisième se penchera sur les dépôts tokenisés et ;
- La quatrième portera sur les fonds d’investissement tokenisés.
Fidèle à sa vocation de think tank juridique de référence dans le domaine des technologies blockchain, la LBCA entend, à travers ce colloque, offrir un espace de réflexion et de débat rigoureux. L’événement bénéficiera du soutien d’universitaires et pourra donner lieu à une validation au titre de la formation continue des avocats.
Première Partie : réflexions autour des MNBC et stablecoins, le nouveau visage de la monnaie
La première partie du colloque abordera d’une part la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) – souvent évoquée à travers le projet d’« euro numérique » – et d’autre part les stablecoins, ces crypto-actifs au cours stable adossés à une monnaie fiat (euro, dollar…). Ces deux formes de « monnaie tokenisée » interrogent les professionnels du droit.
- S’agissant des MNBC, le déploiement d’une monnaie numérique émise par la banque centrale soulève des enjeux juridiques majeurs, tant en droit interne qu’au niveau européen. En France, l’introduction d’un euro numérique nécessiterait probablement des aménagements législatifs, puisqu’il s’agirait d’un nouveau support de la monnaie ayant cours légal. Au niveau de l’Union européenne, une proposition de règlement a déjà été avancée en 2023 pour définir le cadre d’un éventuel euro numérique. Selon la Commission, « l’euro numérique viendrait compléter les espèces et serait mis à la disposition du grand public. En tant que monnaie numérique de banque centrale, il serait directement garanti par la BCE ». Ce projet prévoit que la MNBC coexisterait avec la monnaie existence (scriptural et espèces) et les moyens de paiement privés, tout en offrant les garanties de la monnaie centrale. Parmi les problématiques juridiques figurent la base légale de l’émission d’une MNBC, la protection des données et de la vie privée des usagers, ainsi que l’impact sur le système bancaire (désintermédiation potentielle, garantie des dépôts…). Le colloque permettra de discuter de ces questions à la lumière des textes européens en préparation et des expérimentations menées par la Banque de France et la Banque centrale européenne.
- S’agissant des stablecoins, ces jetons à valeur stable émis par des acteurs privés font déjà l’objet d’un encadrement juridique émergent. Le nouveau règlement MiCA (« Markets in Crypto-Assets ») est venu intégrer les stablecoins dans la catégorie des crypto-actifs régulés et opère une assimilation des EMT (e-money tokens) à la monnaie électronique au sens de la directive monnaie électronique. Concrètement, les stablecoins indexés sur une devise sont soumis à des obligations de réserve, de liquidité et de supervision équivalentes à celles des émetteurs de monnaie électronique classique avec certaines obligations supplémentaires (telles que la mise en place d’un plan de remboursement ou de redressement). Les discussions de cette table ronde porteront sur la qualification juridique des stablecoins et les enjeux de supervision dans la surveillance des stablecoins significatifs pour la stabilité financière.
Seconde partie : Réflexions autour des dépôts tokenisés et fonds tokenisés, vers une nouvelle finance tokenisée
La deuxième partie du colloque explorera d’autres applications de la tokenisation en finance, en particulier les dépôts tokenisés et les fonds d’investissement tokenisés. Il s’agit là de la transposition sur registre blockchain de concepts bien connus du droit bancaire et financier, ce qui engendre des interrogations juridiques inédites.
- S’agissant des dépôts tokenisés, les dépôts tokenisés désignent la représentation sous forme de jetons des dépôts bancaires classiques. Autrement dit, une banque commerciale pourrait émettre à ses clients des tokens équivalents à leurs avoirs en compte, permettant des échanges et règlements sur blockchain avec la garantie que chaque token est couvert par un dépôt effectif dans la banque. En droit français, le dépôt bancaire est traditionnellement une créance de l’épargnant contre la banque, inscrite en compte courant. La tokenisation ne change pas cette nature de créance, mais soulève des questions sur la qualification du token. Au niveau européen, l’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a publié en décembre 2024 un rapport pour analyser les avantages et risques potentiels des dépôts tokenisés, visant notamment à « promouvoir la convergence dans la classification des dépôts tokenisés » par rapport aux jetons de monnaie électronique définis par MiCA. L’une des questions est de savoir si, et dans quelle mesure, un token de dépôt émis par une banque doit être traité comme un e-money token sous MiCA (ce qui impliquerait des obligations similaires aux stablecoins), ou s’il peut être considéré simplement comme une extension numérique du dépôt bancaire classique relevant du droit bancaire existant. Les discussions aborderont également le rôle potentiel des régulateurs dans la supervision de ces nouveaux instruments, notamment si leur usage venait à se généraliser pour les paiements.
- S’agissant des fonds tokenisés, les fonds tokenisés renvoient à la tokenisation des parts ou actions de fonds d’investissement (OPCVM, FIA, etc.), c’est-à-dire l’émission de parts de fonds sous forme de tokens sur une blockchain. Cette innovation technique n’affecte pas la nature juridique du fonds – qui reste un organisme de placement collectif réglementé – mais elle modifie le support de représentation des droits des investisseurs. En droit français, un cadre pionnier existe déjà : depuis l’ordonnance Blockchain, la loi française permet l’inscription de certains titres financiers non admis chez un dépositaire central sur un dispositif d’enregistrement électronique partagé. En pratique, il est donc juridiquement possible aujourd’hui d’émettre en France des parts de fonds directement sur une blockchain, sans passer par les registres traditionnels. De fait, on observe les premiers projets concrets : par exemple, des parts de fonds monétaires tokenisées ont été récemment émises et conservées via la blockchain Ethereum, avec l’agrément d’un dépositaire central disposant d’un statut de prestataire sur actifs numériques pour assurer la custodie de ces tokens. En droit européen, les parts de fonds tokenisées restent des instruments financiers soumis aux mêmes directives (UCITS, AIFM, MIFID pour leur éventuelle négociation, etc.). L’Union européenne a toutefois initié un cadre expérimental avec le règlement Régime Pilote, qui autorise des infrastructures de marché pilotes à négocier et régler des instruments financiers tokenisés sur blockchain, dans des limites de volume encadrées. Les enjeux juridiques discutés pendant la table ronde incluront la tenue de registre des investisseurs sur blockchain (fiabilité, opposabilité des transferts de tokens représentant des titres financiers), le rôle du dépositaire de fonds dans un univers tokenisé et l’utilisation des parts de fonds tokenisés pour les réserves d’EMT et d’ART.
Inscriptions
📅 Date : Mardi 17 juin 2025
Inscriptions : https://www.eventbrite.fr/e/1377108421359?aff=oddtdtcreator
🎓 L’inscription est gratuite pour les étudiants. Un justificatif de scolarité en cours de validité sera exigé à l’entrée. L’accès sera refusé à toute personne ne pouvant présenter une carte étudiante ou un certificat de scolarité.